Conseil de discipline – Dossier 30-23-02173 – Négligence dans l’exécution d’une ordonnance de narcotiques

No dossier30-23-02173
Date de Jugement2023-09-18 (Culpabilité et sanction)
No dossier antérieurn/a
Date Jugement dossier antérieurn/a
JuridictionProvincial
TribunalConseil de Discipline – Ordre des Pharmaciens du Québec
Plaignant / DemandeurJ.M., en sa qualité de syndique adjointe de l’Ordre des Pharmaciens du Québec
Intimé / DéfendeurN.I., pharmacienne
Mise en causen/a
Type de pratique pharmaceutiqueCommunautaire
Chefs d’accusation /nature du recours (articles) [Sanction/ sentence/ condamnation/ ordonnance]      «  Le ou vers le 26 août 2022, alors qu’elle exerçait sa profession à la pharmacie [A], a fait preuve de négligence lors de l’évaluation et de l’exécution de l’ordonnance au nom du patient […] prescrivant morphine contin PO 15 mg BID, remettant plutôt Hydromorph Contin® 12 mg  1 capsule à prendre avec 1 capsule d’Hydromorph Contin® 3 mg total = 15 mg 2 fois par jour […] et Hydromorph Contin® 3 mg 1 capsule à prendre avec 1 capsule d’Hydromorph Contin® 12 mg total = 15 mg 2 fois par jour […]». (RLRQ, c. P-10, r. 7 art. 33 et 77 (1)) [Amende de 4 500$]  
  Résumé      Élément déclencheur : « Le 12 septembre 2022, la pharmacienne-propriétaire reçoit l’appel du médecin indiquant que le patient se plaint d’être affecté d’une importante somnolence. Le médecin l’informe de l’erreur qu’il a constatée en consultant les renseignements pharmacologiques consignés dans le Dossier santé Québec (le DSQ) du Patient et dénonce le fait que la Pharmacie ne lui a pas servi le bon médicament. » [25]  

Faits : « L’intimée termine avec succès ses études en pharmacie au mois de mai 2021 et l’Ordre lui remet un permis d’exercice le 11 novembre suivant.» [9]  
« À la suite de l’obtention de son permis, vers la fin de l’année 2021, elle est inscrite au tableau des membres de l’Ordre. » [10]  
« L’intimée, qui travaille déjà comme assistante technique à la pharmacie [A] (la Pharmacie), située à [X], est dès lors embauchée comme pharmacienne à temps partiel.» [11]  
« La pharmacienne-propriétaire et l’intimée sont les seules pharmaciennes disponibles pour desservir tous les patients de la Pharmacie. Elles reçoivent entre 200 et 300 ordonnances médicales à exécuter durant la fin de semaine et entre 500 et 600 la semaine ce qui constitue un haut débit considérant qu’elles sont les seules pharmaciennes pour couvrir toutes les heures et remplir toutes les ordonnances. » [13]  
« Ce n’est qu’à partir du mois de juin 2022 que l’intimée exerce la profession à temps plein auprès de la Pharmacie. » [14]  
« Le 26 août 2022, elle est la pharmacienne en service et confirme, au médecin ayant transmis par télécopieur une ordonnance médicale concernant un patient de la Pharmacie (le Patient), la réception de cette ordonnance lorsqu’il appelle à la Pharmacie pour s’en assurer. » [15]  
« Suivant l’ordonnance médicale en question, le médecin exerce auprès du CLSC où réside le Patient et lui prescrit plusieurs médicaments dont la Morphine Contin 15 mg per os à consommer deux fois par jour pendant 30 jours, prescription renouvelable deux fois, et du Statex 2,5-5 mg per os à consommer toutes les quatre heures au besoin, prescription renouvelable une fois. » [17]  
« En prenant connaissance des recommandations émises par le médecin, la Technicienne constate une irrégularité à l’égard de la Morphine Contin et du Statex puisque les ordonnances de stupéfiants et de drogues contrôlées (comme les narcotiques) ne peuvent pas être renouvelées, conformément au Règlement sur les stupéfiants. » [20]  
« Par conséquent, hormis les renouvellements jugés problématiques, elle entre les autres données de l’ordonnance médicale dans le dossier pharmacologique du Patient, et inscrit erronément Hydromorph Contin 3 mg et 12 mg (pour un total de 15 mg), plutôt que Morphine Contin 15 mg, comme prescrit. » [21]  
« La Technicienne avise le médecin des erreurs qu’elle a identifiées au niveau des renouvellements par une note manuscrite qu’elle écrit directement sur l’ordonnance médicale et que l’intimée reconnaît avoir signée. Elle lui envoie l’ordonnance annotée par télécopieur en lui demandant d’apporter les modifications appropriées. » [22]  
« Lorsque l’intimée procède aux vérifications nécessaires à l’exécution de l’ordonnance médicale modifiée, elle ne décèle pas l’erreur commise par la Technicienne à l’égard de l’Hydromorph Contin et omet de faire les vérifications requises auprès du Patient pour s’assurer que la dose importante de narcotiques qui lui sera, de ce fait, remise se justifie dans les circonstances. » [23]  
« La plaignante souligne que l’infraction déontologique dont l’intimée est coupable est objectivement grave puisque préparer des médicaments et surveiller la thérapie médicamenteuse d’un patient sont des activités qui sont directement reliées à l’exercice de la pharmacie, comme le prévoit l’article 17 de la Loi sur la pharmacie. » [42]  
« Elle ajoute que cette gravité est d’autant plus évidente lorsque la préparation implique des médicaments analgésiques narcotiques, puisqu’il s’agit de substances contrôlées qui requièrent, de ce fait, une vigilance accrue de la part de la pharmacienne responsable de l’exécution d’une ordonnance médicale les prescrivant. » [43]  
« En définitive, la plaignante laisse sous-entendre que le type d’infraction commise par l’intimée porte ombrage à la profession en affectant du même coup la crédibilité de la profession et des membres de l’Ordre. » [44]  
« Au soutien de son affirmation, elle précise que, ce faisant, le Patient prend une médication cinq fois plus forte que celle prescrite par le médecin. » [54]  

Décision : « Lors de l’instruction, l’intimée annonce enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous le seul chef contenu dans la plainte. » [2]  
« À la suite de ses interventions préliminaires, la plaignante annonce que les parties présenteront une recommandation conjointe relative à la sanction et qu’une preuve serait administrée devant le Conseil en l’absence d’un exposé conjoint des faits.» [4]  
« Des vérifications sont ensuite faites auprès de l’intimée pour s’assurer du caractère libre et éclairé de sa décision de plaider coupable. Sa décision, ne suscitant aucune préoccupation, le Conseil, séance tenante, prononce contre elle une déclaration de culpabilité, comme il est plus amplement décrit au dispositif de la présente décision. » [5]  
« Subséquemment, les parties exposent les composantes de leur recommandation conjointe (la sanction et ses modalités). En résumé, elles suggèrent que l’intimée soit condamnée au paiement d’une amende de 4 500 $ sous le chef °1 et au paiement des déboursés, et qu’un délai de six mois lui soit accordé pour acquitter l’ensemble de ces frais. » [6]  
« Il y a donc lieu de souscrire à l’entente de règlement que les parties ont conclue au sujet de la sanction en échange du plaidoyer de culpabilité de l’intimée, vu les avantages qu’elle représente pour la justice et l’absence de facteurs permettant de justifier l’imposition d’une sanction différente. » [91]  
DécisionCoupable – 1/1 chef – Amende de 4 500$
Éléments d’intérêt pour le pharmacien/la pharmacie      La validation d’ordonnance se situe au cœur de la profession de pharmacien. La négligence en matière d’exécution d’ordonnances revêt donc un caractère particulièrement grave. Cela constitue l’ABC de la profession, pour reprendre les termes du Conseil de discipline dans de nombreuses décisions. Dans le présent cas, l’erreur est d’autant plus grave vu le type de médicament en jeu, les analgésiques narcotiques. L’erreur a entrainé la remise d’une dose 5 fois plus forte d’opiacés à un patient qui semblait somme toute assez naïf aux opioïdes. Le risque de surdose et de décès entrainé par cette erreur est pris en compte dans l’évaluation de l’amende imposée à l’intimée.
Mots-clésNégligence, Narcotique, Saisie erronée, Morphine, Hydromorphone
Référencehttps://www.canlii.org/fr/qc/qccdopq/doc/2023/2023qccdpha29/2023qccdpha29.html  
AuteurBenjamin Charland
RévisionJean-François Bussières
Révision et mise en formeJean-François Bussières

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