No dossier | 500-17-079225-135 |
Date de Jugement | 2014-04-03 |
No dossier antérieur | n/a |
Date Jugement dossier antérieur | n/a |
Juridiction | Provincial |
Tribunal | Cour supérieure |
Plaignant /Demandeur | L.C., syndic de l’Ordre des pharmaciens du Québec |
Intimé / Défendeur | CONSEIL DE DISCIPLINE DE L’ORDRE DES PHARMACIENS DU QUÉBEC Et, ME R.B. Et, D.D. Et, G.R. |
Mise en cause | C.V. |
Type de pratique pharmaceutique | Communautaire |
Chefs d’accusation /nature du recours(articles)[Sanction/ sentence/ condamnation/ ordonnance]
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« La demanderesse, syndic de l’Ordre des pharmaciens du Québec, présente une requête en révision judiciaire d’une décision rendue par le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (le «Conseil») qui a accueilli la requête pour ordonnance de huis clos du mis en cause, C.V. ». [1] [Requête acceptée] |
Résumé | Élément déclencheur : « Le 4 juin 2013, au jour fixé pour l’audition portant sur la sanction, le mis en cause présente une requête pour ordonnance de huis clos à laquelle est jointe une demande d’ordonnance de non-divulgation de la preuve ainsi que des motifs de la décision à être rendue ». [5] « Au soutien de sa requête, le mis en cause invoque le fait qu’il fait l’objet d’accusations criminelles de trafic d’une substance visées à l’Annexe 1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et que son procès n’ayant pas encore eu lieu, il doit bénéficier du droit contre l’auto-incrimination protégé par l’article 11c) de la Charte canadienne des droits et libertés («la Charte canadienne») ». [6] « Invoquant le caractère public des auditions disciplinaires ainsi que la liberté de presse, la demanderesse s’oppose à cette requête ». [7] Faits : « Le 2 août 2012, la demanderesse dépose une plainte disciplinaire contre le mis en cause. À cette plainte, est jointe une requête pour radiation provisoire immédiate ». [2] « Le 23 janvier 2013, le Conseil déclare l’intimé coupable de diverses infractions dont celle d’avoir illégalement vendu des médicaments, notamment des stupéfiants, sans avoir préalablement obtenu d’ordonnances et alors que certains de ces médicaments étaient destinés à des fins de trafic ». [4] « La demanderesse : La décision du Conseil porte atteinte au droit à la liberté d’expression garanti par l’article 2b) de la Charte canadienne ». [8] Décision : « Le Conseil a-t-il commis une erreur révisable en concluant que la protection des droits fondamentaux du mis en cause exigeait le prononcé des ordonnances réclamées par ce dernier ? ». [9] « Les tribunaux l’ont précisé à maintes reprises. L’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires est d’une importance fondamentale. Le caractère public des audiences est inextricablement lié à la liberté d’expression garantie par l’article 2b) de la Charte canadienne et il ne peut être écarté qu’exceptionnellement selon les trois critères énoncés dans les arrêts D. et M. : — 1) éviter un danger réel et sérieux à la bonne administration de la justice ; — 2) l’absence d’autres mesures qui permettent d’atteindre cet objectif ; — 3) la mise en balance des effets bénéfiques de l’ordonnance et les risques encourus si elle n’est pas émise ». [21] « La requête du mis en cause pour ordonnance de huis clos reposait sur le fait que des procédures criminelles étaient pendantes en parallèle avec les procédures disciplinaires, et ce pour des reproches similaires concernant les mêmes événements ». [22] « Le droit à la protection contre l’auto incrimination est fondé sur l’article 13 de la Charte canadienne qui prévoit : « 13. Chacun a droit à ce qu’aucun témoignange incriminant qu’il donne ne soit utilisé pour l’incriminer dans d’autres procédures, sauf lors de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires» ». [23] « En matière disciplinaire, le mis en cause est un témoin contraignable. L’article 149 du Code des professions le prévoit expressément. Il en résulte que même si le mis en cause a choisi librement, comme en l’espèce, de témoigner sans que le Conseil ne l’exige, il demeure un témoin contraignable ». [26] « Toutefois, le tribunal est d’avis que le mis en cause ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer que le témoignage qu’il entendait donner dans le cadre de l’audition portant sur la sanction serait automatiquement incriminant et, partant, que son contenu devait nécessairement être protégé par une ordonnance de huis clos ». [27] « la Cour suprême souligne que c’est à la partie qui présente la demande de huis clos qu’il incombe de justifier la dérogation à la règle générale de la publicité des débats judiciaires ». [28] « Le huis clos demeure une mesure exceptionnelle qui ne saurait être ordonné sans que les circonstances le commandent. Or, dans le cas présent, rien n’indique que le témoignage que le mis en cause veut rendre sera nécessairement un témoignage incriminant. Ce n’est pas parce qu’une partie veut «s’adresser au tribunal» qu’elle a nécessairement et automatiquement droit à une ordonnance de huis clos ». [29] « En l’absence d’un commencement de preuve, le Conseil ne pouvait conclure, comme il l’a fait, que les effets bénéfiques de l’ordonnance qu’il s’apprêtait à rendre étaient plus importants que ses effets préjudiciables sur la liberté d’expression. Pour conclure ainsi, le Conseil devait à tout le moins chercher à se renseigner sur la teneur du futur témoignage. Non seulement il ne l’a pas fait mais, il le dit lui-même : «le Conseil ignore ce que l’intimé veut lui dire». Renseigné adéquatement sur ce que le mis en cause voulait lui dire, le Conseil aurait pu conclure que le témoignage n’était pas incriminant et, qu’au contraire, il pouvait à la rigueur être disculpant ». [30] « Le Tribunal est d’avis que l’ordonnance du Conseil ne peut, sans l’apport d’une preuve, ou, à tout le moins, d’un commencement de preuve, respecter les critères de proportionnalité développés par la jurisprudence ». [31] « La décision du Conseil est prématurée. Une telle décision ne peut être prise que si le Conseil est convaincu que le témoignage du mis en cause est incriminant. On ne peut limiter la liberté d’expression par anticipation en ordonnant des mesures contraires à une saine administration de la justice ». [32] « la Cour suprême rappelle avec éloquence que la publicité des débats demeure la pierre angulaire de la common law et qu’on ne rend pas la justice derrière des portes closes ». [33] « L’ordonnance émise par le Conseil est de nature préventive. Sans l’apport d’une preuve qui elle, aurait pu être soumise à huis clos, le Conseil ne pouvait conclure à l’existence d’un danger réel et important pour le mis en cause ». [35] « Le Tribunal est d’avis que la décision rendue par le Conseil est déraisonnable puisqu’elle déroge aux principes établis dans les arrêts D. et M. et réitérés à maintes reprises par la Cour suprême. Elle réduit la liberté d’expression à une notion accessoire et secondaire qui doit céder le pas devant un autre droit, tout aussi important sans doute, mais qui, en l’absence de preuve convaincante, ne peut du seul fait de son existence l’emporter sur le premier ». [36] |
Décision | Requête acceptée – Dossier retourné au Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec |
Éléments d’intérêt pour le pharmacien/la pharmacie | L’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires est d’une importance fondamentale dans une société démocratique. Le caractère public des audiences est inextricablement lié à la liberté d’expression garantie par la Charte canadienne. Ainsi, le Conseil de discipline de l’OPQ a dérogé à la Charte en ordonnant le huis clos par anticipation, convaincu de la nature incriminante du témoignage du mis en cause. Sans l’apport d’une preuve qui conclut à de l’auto incrimination et à l’existence d’un danger réel et important pour le mis en cause, un témoignage à huis clos ne peut être ordonné. |
Mots-clés | Témoignage incriminant, Ordonnance à huis clos, Ordonnance de non-divulgation, Charte canadienne des droits et libertés, Vente illégale, Trafic |
Jurisprudence | [1994] 3 R.C.S. 835 [1996] 3 R.C.S. 480 [2006] 1 R.C.S. 256 [2012] 1 R.C.S. 395 [1989] 1 R.C.S. 1038 [2008], R.C.S. 190 [2012] 3 R.C.S. 31. [2005] 3 R.C.S. 609 [2004] 2 R.C.S. 332 |
Référence | http://canlii.ca/t/g6rhj (http://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2014/2014qccs1885/2014qccs1885.pdf) |
Auteur | Philippe Nguy |
Révision | Jean-François Bussières, Manon Bonnier |
Révision et mise en forme | Jennifer Corny |