No dossier | 30-09-01673 |
Date de Jugement | 2011-01-11 |
No dossier antérieur | n/a |
Date Jugement dossier antérieur | n/a |
Juridiction | Provincial |
Tribunal | Conseil de Discipline – Ordre des Pharmaciens du Québec |
Plaignant /Demandeur | N.L., es-qualités de syndic adjoint de l’Ordre des pharmaciens du Québec |
Intimé / Défendeur | M.F., pharmacien |
Mise en cause | n/a |
Type de pratique pharmaceutique | Communautaire |
Chefs d’accusation /nature du recours(articles)
[Sanction/ sentence/ condamnation/ ordonnance]
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(1) «Au cours de la période allant du 1er septembre 2006 au 15 mai 2009, à son établissement (…), a commis un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession, en se présentant à de multiples reprises à sa pharmacie alors qu’il était sous l’influence de l’alcool». [5] (Art.
59.2, L.R.Q., c. C-26) [Radiation temporaire 6 mois]
(2) « Au cours de la période allant du 1er mars 1996 au 15 mai 2009, à son établissement (…), a illégalement vendu ou livré à certains clients des médicaments d’ordonnance, incluant des benzodiazépines et des drogues contrôlées, alors qu’il n’avait pas d’ordonnance l’y autorisant ou encore à des quantités supérieures à celle visée par les ordonnances qu’il détenait, contrevenant par là successivement aux articles 4.01.01 q) du Code de déontologie des pharmaciens (R.R.Q. 1981, c. P-10, r.5) et 77 (1°) du Code de déontologie des pharmaciens (L.R.Q., c. P-10, r.5.1) ». [5] (Art. 4.01.01 q, R.R.Q. 1981, c. P-10, r.5; art. 77 (1°), L.R.Q., c. P-10, r.5.1) [Radiation temporaire 30 mois] (3) « Au cours de la période allant du 1er juin 2007 au 15 mai 2009, à son établissement (…), a illégalement réclamé de la Régie de l’assurance maladie du Québec le remboursement du coût de certains médicaments génériques au prix du médicament de marque équivalent, contrevenant ainsi successivement aux articles 3.02.01 du Code de déontologie des pharmaciens (R.R.Q. 1981, c. P- 10, r.5) et 55 du Code de déontologie des pharmaciens (L.R.Q., c. P-10, r. 5.1) ». [5] (Art. 3.02.01 q, R.R.Q. 1981, c. P-10, r.5; art. 55, L.R.Q., c. P-10, r.5.1) [Amende 6 000 $] (4) « Au cours de la période allant du 1er juin 2007 au 15 mai 2009, à son établissement (…), a faussement inscrit dans les dossiers des patients visés au chef # 3 des renseignements laissant croire qu’un médicament de marque a été servi alors qu’en fait c’est un générique qui a été remis au patient, contrevenant par là à l’article 9 du Règlement sur les conditions et modalités de vente des médicaments (L.R.Q., c. P-10, r.8.2) ». [5] (Art. 9, L.R.Q., c. P-10, r.8.2) [Amende 3 000 $] |
Résumé
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Élément déclencheur : La plaignante a «reçu une demande d’enquête, en avril 2009. Cette demande alléguait que l’intimé avait un problème de consommation d’alcool». [10] Faits : «En 2005, l’intimé avait déjà eu des problèmes de consommation de bière sur les lieux de sa pharmacie. Il avait alors reçu une lettre du syndic adjoint F.C. L’intimé avait alors prétendu que ce problème était réglé ». [12] De plus, avait aussi «perdu son permis pour conduite avec facultés affaiblies ». [14] «Le 13 mai 2009, accompagnée d’un syndic adjoint, la plaignante (…) a discuté avec lui, dans son bureau. Selon elle, l’intimée [sic] semblait sous l’influence de l’alcool». [10] Elle «a constaté qu’il y avait de grosses cannettes de bière, certaines vides et d’autres prêtes à la consommation» dans le bureau ». [11] « L’intimé a expliqué à la plaignante qu’il avait beaucoup de pression et de stress. Il est copropriétaire de trois pharmacies ». [15] «La plaignante lui a fait passer un alcootest qui a indiqué un taux d’alcoolémie variant entre .02 à .04. L’intimé travaillait à ce moment-là sur son ordinateur et il avait accès aux dossiers-patients». [17] « La plaignante est retournée à la pharmacie de l’intimé, le 14 mai, et celui-ci lui a dit qu’il avait consulté. Il alors signé un engagement (…) à ne plus pratiquer sa profession de pharmacien tant et aussi longtemps qu’il ne produirait pas une attestation médicale confirmant que son état de santé lui permettait de reprendre la pratique». [19] «Le 15 mai, l’intimé a débuté une thérapie (…) de 28 jours à la Maison Au Seuil de l’Harmonie. Le 6 juin 2009, le Dr L. a fait parvenir une attestation médicale (…) indiquant que l’intimé pouvait reprendre son travail à compter du 15 juin 2009» [20] et ce dernier a obtenu l’autorisation de reprendre la pratique par la suite. Le 15 juin 2009, la plaignante a interrogé l’intimé «sur des informations qu’elle avait reçues concernant les chefs 2, 3 et 4». [22] «Des enquêteurs avaient informé la plaignante que l’intimé vendait des médicaments (…) sans ordonnance ». [23] La plaignante avait pris l’inventaire le 14 juin et il y a de «très grands écarts concernant les benzodiazépines ». [33] «Elle a reconnu que la pharmacie de l’intimé se trouvait dans un quartier défavorisé et que plusieurs de ses patients souffraient de troubles psychiatriques ». [43] L’intimé «a admis qu’en agissant ainsi il n’aidait pas ses patients, mais exacerbait leurs problèmes de consommation ». [27] «Certains de ces patients avaient débuté cette pratique avec l’ancien propriétaire de la pharmacie et l’intimé avait accepté de poursuivre la pratique» [30], mais il «s’est engagé à régler cas par cas et il a pris un engagement à cet effet ». [34] De plus, des enquêteurs ont découvert que l’intimé «réclamait de la RAMQ le coût des médicaments originaux alors qu’il remettait des médicaments génériques aux patients». [23] Cette fraude avait une «somme approximative de près de 219 000 $». [39] L’intimé a reconnu «avoir demandé à l’un de ses employés de réclamer le coût d’un médicament original alors qu’on avait servi un médicament générique. Selon lui, par la suite, il aurait demandé de cesser cette pratique». [35] « Selon l’intimé, il avait instauré cette pratique pour compenser des pertes monétaires car certains clients ne payaient pas leurs médicaments». [36] Une entente aurait été passée avec la RAMQ. « En vertu de cette entente, son associée et lui ont remboursé la somme de 96 303,15 $ à la RAMQ ». [93] Le 22 octobre 2010, Mme C.G., psychologue, témoigne que «l’intimé consomme encore mais ne rencontre pas les critères de dépendance. Il serait en rémission partielle depuis un an ». [78] De plus, l’intimé essaie de vendre une pharmacie et cela «constitue un élément de stress important pour l’intimé». [79] Décision : Le procureur de l’intimé a enregistré «un plaidoyer de culpabilité au nom de l’intimé sur les quatre chefs d’infraction» [6] et le Conseil «a alors reconnu l’intimé coupable sur le champ». [7] «Compte tenu que les chefs 1 et 2 n’ont pas de lien entre eux, il suggère que les deux périodes de radiation soient purgées de façon successive; cependant, en raison du principe de la globalité de la sanction, il demande que la période totale de radiation temporaire soit de 3 ans». [107] Il a argumenté que l’intimé a contribué «à créer de l’accoutumance et à accentuer la dépendance» [109] chez ses patients et a «fait preuve de pur mercantilisme». [115] «Il a demandé des sanctions sévères pour assurer la protection du public». [135] Le procureur de l’intimé «a affirmé que le Conseil devait tenir compte de la dépendance à l’alcool de l’intimé» [118] et «a soutenu que les deux premiers chefs d’infraction étaient reliés» [121] à ce problème. Il a proposé «qu’une réprimande très sévère avec limitation du droit d’exercice pour une période, à la discrétion du Conseil, serait une sanction juste et raisonnable». [126] Au quatrième chef, «il a plaidé qu’il s’agissait d’une composante du chef 3 (…) car l’intimé ne pouvait réclamer de la RAMQ le remboursement du médicament original sans l’inscrire au dossier du patient. Aussi, il a demandé l’application de l’arrêt Kineapple ». [129] L’arrêt Kineapple est un principe selon lequel les condamnations multiples lorsque deux ou plusieurs infractions découlent d’un même acte sont prohibées. Le Conseil n’a pas accepté «que la dépendance à l’alcool de l’intimé soit un facteur dans la commission de cette fraude» [146] car l’alcoolisme «est une maladie qui ne va pas de pair avec la malhonnêteté». [147] De plus, «le Conseil ne peut suivre les prétentions du procureur de l’intimé à l’effet que le quatrième chef est un chef moindre et inclus au troisième chef» [149] et «considère que l’intimé «a commis deux infractions différentes». Cependant, une amende de 3 000 $ «apparaît être juste et raisonnable» [168] pour le quatrième chef. « Le Conseil est d’opinion que l’intimé n’a pas réglé son problème de dépendance à l’alcool. Il l’a déplacé de la pharmacie à chez lui ». [159] Également, « l’intimé présente des risques importants de récidive ». [163] |
Décision | Coupable – 4/4 chefs – Radiation temporaire 6 mois et 30 mois – Peines consécutives – Amende 9 000 $ |
Éléments d’intérêt pour le pharmacien/la pharmacie
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L’intimé est coupable des chefs concernant l’alcoolisme, la vente illégale de médicaments d’ordonnance, la fraude et l’inscription de fausses données dans les dossiers patients. Toutes ces infractions sont extrêmement sérieuses. L’intimé est plus à risque de commettre des erreurs lorsqu’il exerce sous l’influence de l’alcool. La vente illégale de médicaments aux patients contribue à créer l’accoutumance chez certains clients et à accentuer la dépendance chez d’autres, particulièrement avec les stupéfiants. La réclamation des médicaments innovateurs lorsque des génériques sont remis, ainsi que l’inscription de fausses données aux dossiers-patients sont des fraudes importantes, entrainant des surcoûts importants pour la RAMQ, mais également un danger potentiel pour le patient puisque le pharmacien n’est pas en mesure de savoir quel produit a réellement reçu le patient. |
Mots-clés | Alcool, Vente illégale, Fraude à la RAMQ, Fausses données, Dossiers patients |
Jurisprudence | N. c. E-K. (28 juillet 1998), 30-97-01383 (C.D. pha.); C. c. T. (1er octobre 2007), 30-06-01551 (C.D. pha.); L. c. T. (4 décembre 2008), 30-07-01591 (C.D. pha.); L. c. B. (4 février 2008), AZ-50472477 (C.D. pha.); L. c. C. (29 septembre 2006), 30-05-01517 (C.D. pha.), appel accueilli pour d’autres motifs : (30 janvier 2008), 200-17-000104-068 (T.PO.); L. c. M. (21 octobre 2008), 30-08-01598 (C.D. pha.); N. c. E-K. (28 juillet 1998), 30-97-01383 (C.D. pha.); D. c. S-G. (1er juin 1990), 30-89-01066 (C.D. pha.) et D. c. S-G. (1er juin 1990), 30-89-01068 (C.D. pha.); M. c. D. (30 avril 1993), 500-07-000019-921 (T.P.); Tribunal – Pharmaciens – 5 [1977] D.D.C.P. 165 (T.D.P.); D. c. D. (28 août 1995), AZ-95041090 (C.D. pha.); Comité – Pharmaciens – 3 (8 mars 2007), AZ-87041050 (C.D. pha.); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. K. (4 février 2008), AZ-50472477 (C.D. pha.); B. c. B. (17 août 2009) 30-08-01639 (C.D. pha.); C. c. N. (12 juin 2000), 30-99-01413 (C.D. pha.); F. c. Québec (Procureur général), [1998] 2 R.C.S. 90; A. c. Québec (Procureur général) [1997] R.J.Q. 2376 (C.A.); G. c. Avocats (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 177; Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999]3 R.C.S. 3; Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868; B. c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279; Dentistes (Ordre professionnel des) c. Dupont, 2005 QCTP 7; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. D. (14 juillet 2005), 30-02-01473, AZ-50324961; L. c. Montréal (Ville de) (29 avril 1994), Montréal 500-53-000026-938, AZ- 94179004; P.T. c. R.L. et Comité de discipline de l’Association des Courtiers et Agents Immobiliers du Québec, 500-09-018813-089, Cour d’appel, 8 avril 2010; Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q. c. C-12; P. c. D., [2003] R.J.Q. 1090 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoir à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2003-10-09) 29829; Hydro-Québec c. T., 2007 QCCS 4477; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. C., 2008 QCTP 18; Médecins (Corp. professionnelle des) c. S-H., D.D.E. 92D-71 (C.D. Méd.); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. S., D.D.E. 97D-73 (T.P.); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. D., 2008 QCTP 178; C. c. M., [1993] R.R.A. 869; J.E. 93-1560 (C.S.); N. c. Orthophonistes et audiologistes, 2002 QCTP 020; Notaires (Ordre professionnel des) c. P., AZ-50665318, 12 août 2010 (C.D. Not.); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. L., AZ-50564560, 8 juillet 2009 (C.D. Pha.) Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. B., AZ-50573186, 17 août 2009 (C.D. Pha.); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. D., D.D.E. 2007D-88 (C.D. Pha.); Kienapple c. R., [1975] 1 R.C.S. 729; R.C. Prince, [1986] 2 R.C.S. 480. |
Référence | http://canlii.ca/t/2f849 (http://www.canlii.org/fr/qc/qccdopq/doc/2011/2011canlii631/2011canlii631.pdf) |
Auteur | Ming Yang |
Révision | Jean-François Bussières, Manon Bonnier |
Révision et mise en forme | Jennifer Corny |