No dossier | 30-17-01920 |
Date de Jugement | 2018-05-30 |
No dossier antérieur | n/a |
Date Jugement dossier antérieur | n/a |
Juridiction | Provincial |
Tribunal | Conseil de Discipline – Ordre des Pharmaciens du Québec |
Plaignant /
Demandeur |
M.L., pharmacienne, ès qualités de syndique adjointe de l’Ordre des pharmaciens du Québec |
Intimé / Défendeur | L.C., pharmacienne |
Mise en cause | n/a |
Type de pratique pharmaceutique | Communautaire |
Chefs d’accusation /nature du recours
(articles) [Sanction/ sentence/ condamnation/ ordonnance]
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(1) «Le ou vers le 1er juin 2016, alors qu’elle exerçait sa profession (…) a fait preuve de négligence lors de l’exécution de l’ordonnance portant le numéro (…) au nom de l’enfant, (…), prescrivant, notamment, de la morphine à une posologie de 3mg à prendre aux 4 à 6 heures régulièrement durant 5 jours puis aux 4 à 6 heures au besoin, remettant plutôt du sirop Ratio morphineN 1mg/ml avec la posologie de donner (30ml) 30mg aux 4 à 6 heures». [9] (Art. 77 (1), Code de déontologie des pharmaciens, RLRQ, c. P-10, r. 7) [Amende 3 500 $] |
Résumé
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Élément déclencheur :
« (…) les parents transmettent une demande d’enquête au Bureau du syndic de l’Ordre au sujet de l’intimée». [39] Faits : « En 2013, l’intimée devient membre de l’Ordre». [12] « Le 1er juin 2016, vers 13 h 30, la mère d’un enfant de cinq ans (la mère) se rend à la Pharmacie pour faire exécuter l’ordonnance médicale obtenue après la chirurgie que son enfant a subie à l’Hôpital Ste-Justine». [14] « La pharmacienne alors en service à la Pharmacie (la pharmacienne), autre que l’intimée, exécute l’ordonnance médicale et constate que le médecin a omis de préciser la quantité totale de morphine devant être servie». [15] « La mère reçoit donc tous les médicaments inscrits à l’ordonnance médicale à l’exception de la morphine et on l’informe qu’un des employés de la Pharmacie communiquera avec elle sur réception des informations manquantes». [16] « La mère quitte ensuite la Pharmacie sans morphine et la pharmacienne retourne l’ordonnance médicale au médecin l’ayant signée pour que celui-ci apporte les précisions manquantes relatives à l’ordonnance de l’enfant de cinq ans (l’enfant)». [17] « En fin de journée, vers 17 h 42, la Pharmacie reçoit, par télécopieur, l’ordonnance médicale modifiée incluant les informations attendues à l’égard de la quantité totale de morphine liquide devant être servie à l’enfant». [18] « Le même jour, une des assistantes techniques en pharmacie (l’ATP) de la Pharmacie entre les précisions médicales reçues au dossier patient informatisé de l’enfant (le dossier patient) et attend la confirmation de l’intimée avant de procéder à la préparation de la morphine, la pharmacienne ayant quitté la Pharmacie à la fin de son quart de travail». [19] « Vers 17 h 44, l’intimée prend connaissance de l’ordonnance médicale modifiée et l’interprète comme indiquant qu’une dose de 30 mg de morphine, aux quatre à six heures, pendant cinq jours, pour un total de 40 doses, doit être préparée pour l’enfant». [20] « Au même moment, elle confirme l’avoir vérifiée en remplaçant le terme boire 30 ml, que l’ATP a inscrit au dossier patient, par donner 30 ml sachant que c’est la mère qui administrera la morphine à l’enfant». [21] « Elle apporte cette modification au dossier patient sans s’interroger sur la lecture qu’elle fait de l’ordonnance médicale sachant qu’elle concerne un enfant de cinq ans». [22] « Également, elle néglige de remettre en doute sa compréhension de l’ordonnance médicale ou la validité de celle-ci malgré l’information s’y trouvant au sujet de la dose appropriée, soit 0,2 mg par kilogramme, et celle relative à la dose maximale pouvant être consommée, soit 10 mg par dose». [23] « Elle omet aussi de confronter son interprétation de l’ordonnance médicale en se référant au poids de l’enfant consigné au dossier patient». [24] « L’intimée constate plutôt que l’inventaire de la Pharmacie est insuffisant pour répondre à cette quantité de morphine». [25] « Ainsi, l’ATP communique avec la mère pour l’informer de l’impossibilité de la Pharmacie de lui fournir immédiatement la quantité totale de morphine prescrite ainsi que du délai inhérent pour l’obtenir». [26] « La mère de l’enfant demande alors à l’ATP que deux doses de morphine lui soient préparées dans l’intervalle, précisant qu’elle viendra les chercher avant la fermeture pour être en mesure de soulager son enfant pendant la nuit, au besoin». [27] « L’ATP prépare les deux doses de morphine réclamées par la mère et c’est l’intimée qui vérifie la conformité du contenu de celles-ci omettant toutefois de consulter le dossier patient de la Pharmacie pour valider le contenu de la préparation avec le poids de l’enfant». [28] « La mère de l’enfant se présente à la fermeture de la Pharmacie et reçoit les conseils de l’intimée relativement à la façon d’administrer la dose de morphine prescrite, soit à l’aide d’une seringue de 10 ml devant être remplie à trois reprises». [30] « La mère étant pressée, l’intimée lui remet la morphine liquide préparée sans que le volume du médicament liquide pour deux doses seulement n’éveille de soupçons chez elle quant au caractère inapproprié de celui-ci». [31] « Le lendemain, soit le 2 juin 2016, l’intimée réalise que la quantité de morphine donnée à la mère est importante pour couvrir seulement deux doses à donner à un enfant de cinq ans». [32] « Elle apprend que la dose de morphine servie est dix fois plus élevée que celle prescrite par le médecin de l’enfant». [34] « Le même jour, la pharmacienne en service communique immédiatement avec les parents de l’enfant, et en l’absence de ceux-ci, informe la grand-mère qui le garde de l’erreur commise, apprenant avec soulagement que l’enfant n’a pas consommé de morphine malgré les deux doses servies la veille». [35] « Plus tard, la mère de l’enfant appelle à la Pharmacie et discute de l’erreur de dosage avec la pharmacienne en service». [36] « Vers 17 h 00, l’intimée appelle les parents de l’enfant pour faire un suivi de la situation et leur présenter des excuses, mais ceux-ci étant toujours absents, elle discute avec la grand-mère». [37] « Les 3, 5 et 6 juin 2016, elle tente à nouveau sans succès de joindre les parents». [38] « Ainsi, l’intimée explique avoir quitté la Pharmacie en raison de l’achalandage important à cet endroit, ayant pris conscience de la difficulté que l’exercice de sa profession dans un tel contexte constitue pour elle». [80] « Elle souligne l’importance de prendre le temps nécessaire pour s’assurer de rendre des services professionnels de qualité et confirme avoir modifié les éléments suivants de sa pratique depuis l’infraction :
Décision : « À l’audition, l’intimée enregistre un plaidoyer de culpabilité à l’égard de l’infraction de la plainte dans le contexte de l’entente intervenue entre les parties au sujet de la sanction». [2] « En conséquence, considérant ce plaidoyer, le Conseil, unanimement et séance tenante, la déclare coupable de ce chef». [3] « L’article 77 du Code de déontologie énonce des actes dérogatoires à la dignité de la profession de pharmacien et l’article 77 (1) du même Code confirme que faire preuve de négligence dans l’exercice de la pharmacie en constitue un». [58] « Des médicaments particulièrement dangereux ou étant hautement toxiques pouvant entraîner des effets importants sur la santé des patients concernés, allant jusqu’à leur causer la mort, requièrent une attention particulière de la part du pharmacien». [62] « À plusieurs reprises, elle omet d’être vigilante malgré que le médicament soit destiné à un enfant de cinq ans et qu’il s’agisse de morphine, soit un médicament particulièrement dangereux». [64] « L’exécution d’une ordonnance médicale étant une activité située au coeur même de l’exercice de la profession de pharmacien, le manque de vigilance à cet égard constitue un manquement objectivement grave». [65] « Cependant, sachant que l’intimée a servi à l’enfant une dose dix fois plus élevée que celle prescrite par le médecin, il ne fait aucun doute que les conséquences sur la santé de celui-ci auraient pu être très graves». [70] « Cette possibilité suffit en elle-même à établir la gravité de la contravention de l’intimée considérant que la matérialisation des conséquences découlant d’une faute disciplinaire constitue, la plupart du temps, un concours de circonstances». [71] « À l’audition, la plaignante présente cinq décisions pour étayer la recommandation conjointe des parties et l’intimée en dépose une autre». [86] « Tous les cas soumis par les parties à ce moment concernent un membre de l’Ordre ayant fait preuve de négligence dans l’exécution d’une ordonnance médicale». [87] « Les sanctions imposées dans ces cas sont des amendes dont le montant est de 3 000 $ ou 3 500 $ résultant d’une recommandation conjointe entérinée par le Conseil». [88] « Cependant, à la différence de l’intimée, les pharmaciens de ces affaires sont négligents à l’égard d’un seul des deux éléments de vigilance exigeant un niveau d’attention plus important lors du processus d’exécution d’une ordonnance médicale à savoir la vulnérabilité du patient à qui le médicament est destiné ou la dangerosité du médicament devant être servi». [89] « Il s’agit d’une distinction fondamentale limitant l’application du principe de la parité relativement à ces affaires». [90] « L’absence de considération de ces deux facteurs de vigilance par l’intimée distingue les précédents que les parties soumettent à l’audition pour étayer l’amende de 3 500 $ qu’elles recommandent de lui imposer et les rend difficilement assimilables au cas présent». [100] « Les sept décisions supplémentaires que les parties soumettent dans le cadre de leurs représentations additionnelles sont plus similaires au présent dossier en ce qu’elles concernent la négligence d’un pharmacien dans le cadre du processus de préparation d’un médicament destiné à un enfant dont le médicament est la morphine, un dérivé de celle-ci ou un autre médicament présentant un haut degré de toxicité ou de dangerosité». [102] « Elles apportent donc un éclairage nouveau changeant la perception du Conseil et faisant en sorte de rendre la recommandation conjointe des parties plus acceptable dans le respect des paramètres légaux applicables en cette matière». [103] « Dans ces autres décisions, la sanction retenue est également une amende dont le montant varie entre 3 000 $ et 4 000 $, ce qui situe celle de 3 500 $ que les parties recommandent d’imposer à l’intimée dans cette fourchette». [104] « Dans la décision M’Seffar, le Conseil en arrive d’ailleurs à la même conclusion à l’égard de la recommandation conjointe des parties suggérant d’imposer une amende de 4 000 $ à une pharmacienne en début de carrière ayant fait preuve de négligence lors de la préparation du méthotrexate d’un patient âgé, et ce, malgré les nombreuses occasions s’étant présentées à elle pour constater son erreur». [106] « En l’espèce, la recommandation conjointe des parties n’est pas à ce point clémente principalement en raison du peu d’expérience professionnelle de l’intimée et des décisions additionnelles que les parties présentent». [111] « N’eût été ces éléments, il aurait été difficile pour le Conseil d’affirmer qu’une sanction comme celle que les parties proposent rend possible l’atteinte des objectifs de dissuasion, d’exemplarité et de protection du public». [112] « En conséquence, dans les circonstances, il y a lieu d’adhérer à la recommandation conjointe des parties afin de ne pas discréditer un outil important du droit disciplinaire contribuant à l’efficacité du système de justice». [113] |
Décision | Coupable – 1/1 chefs – Amende 3 500 $ |
Éléments d’intérêt pour le pharmacien/la pharmacie | Le pharmacien est soumis à un rythme de travail rapide. Il doit toutefois se rappeler que la vigilance prime sur la rapidité. S’il le juge nécessaire, pour la protection du public, le pharmacien peut ralentir la chaîne de travail pour se préoccuper de la santé et de la sécurité de ses patients. Il est également important de pouvoir reconnaître les situations qui requièrent une attention particulière. Entre autres, les patients pédiatriques, les patients polymédicamentés et les patients recevant des médicaments potentiellement toxiques sont tous des exemples de patients fragiles pour lesquelles le service d’un médicament doit se faire prudemment. |
Mots-clés | Mauvaise dose, Calcul de dose, Morphine, Erreur, Gestion d’erreur |
Jurisprudence |
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Référence | https://www.canlii.org/fr/qc/qccdopq/doc/2018/2018canlii52144/2018canlii52144.pdf |
Auteur | Patrick Deschênes |
Révision | Jean-François Bussières |
Révision et mise en forme | Jean-François Bussières |