Conseil de discipline OPQ – Décision 30-17-01893 – Mauvaise posologie

No dossier 30-17-01893
Date de Jugement 2017-06-28
No dossier antérieur n/a
Date Jugement dossier antérieur n/a
Juridiction Provincial
Tribunal Conseil de Discipline – Ordre des Pharmaciens du Québec
Plaignant /

Demandeur

J.M., en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des pharmaciens du Québec
Intimé / Défendeur T.L.N.,  pharmacienne
Mise en cause n/a
Type de pratique pharmaceutique Communautaire
Chefs d’accusation /nature du recours

(articles)

[Sanction/ sentence/ condamnation/ ordonnance]

(1) «Le ou vers le 15 septembre 2016, à son établissement situé au (…), a commis une négligence dans l’exercice de sa profession lors de l’exécution de l’ordonnance portant le numéro […], au nom de la patiente Y.S., prescrivant Taro-Warfarin 2mg à une posologie de 2 comprimés par jour, 5 jours par semaine et 1 ½ comprimés à prendre les lundi et mercredi, remettant plutôt Taro-Warfarin 5mg à la même posologie». [4] (Art.77 1o, Code de déontologie des pharmaciens, RLRQ, c. P-10, r. 7) [Amende 4000$]

Résumé

 

 

 

Élément déclencheur :
«La patiente concernée est une dame âgée de 86 ans qui a besoin d’un traitement anticoagulant. Son médecin lui prescrit donc du Taro-Warfarin 2mg à une posologie de 2 comprimés par jour, 5 jours par semaine, et 1 ½ comprimé, les lundis et mercredis. La pharmacie de cette patiente lui remet toutefois du Taro-Warfarin 5mg à la même posologie. La patiente prend les comprimés que la pharmacie lui remet et elle en fait une surdose». [1]
«L’intimée, T.L.N., est la pharmacienne qui a exécuté l’ordonnance». [2]
«La fille de la patiente porte plainte contre madame T.L.N. auprès du syndic de l’Ordre des pharmaciens du Québec (l’Ordre) qui ouvre une enquête». [3]

Faits :
«La patiente concernée est âgée de 86 ans. Elle a besoin d’une anticoagulothérapie orale». [10]
«À cette fin, son médecin lui prescrit des comprimés de Taro-Warfarin 2mg». [11]
«La posologie prescrite est de 2 comprimés par jour, 5 jours par semaine, et 1 ½ comprimé, les lundis et mercredis». [14]
«En mai 2016, cette prescription est transmise à la pharmacie J.D. (pharmacie). La patiente fait affaire avec la pharmacie depuis moins d’un mois». [15]
«Madame T.L.N. est copropriétaire de cette pharmacie. Elle ne tient pas en inventaire des comprimés de Taro-Warfarin. Elle commande donc du Taro-Warfarin 2mg afin de servir la patiente». [16]
«Vers les 5 mai, 11 juin, 14 juillet et 16 août 2016, madame T.L.N exécute l’ordonnance prescrivant du Taro-Warfarin 2 mg pour la patiente». [17]
«Le 15 septembre 2016, madame T.L.N doit exécuter une nouvelle ordonnance pour la patiente concernée par la plainte disciplinaire». [18]
«La pharmacie emploie une seule employée. Cette dernière n’est pas formée par une école spécialisée pour travailler comme assistante dans le laboratoire d’une pharmacie. Madame T.L.N la décrit comme étant une « helper »». [19]
«Madame T.L.N demande à cette employée de préparer la prescription». [20]
«Une fois la prescription préparée, madame T.L.N omet de vérifier si les comprimés sont bel et bien du Taro-Warfarin 2 mg. Elle présume que ce sont les bons comprimés qui sont préparés». [21]
«La prescription est remise à la patiente qui prend les médicaments pendant les semaines qui suivent». [22]
«Le 8 octobre 2016, la patiente doit toutefois être hospitalisée puisqu’elle se sent vraiment mal. Elle a des douleurs aux chevilles et aux jambes ainsi que des ecchymoses au visage et au cou». [23]
«À l’hôpital (…) où elle est amenée, on vérifie son RIN. Les résultats des tests sanguins démontrent qu’il se situe à 27, alors que l’intervalle visé est nettement inférieur, soit entre 2 et 3». [24]
«Le médecin et l’une des filles de la patiente communiquent aussi avec la pharmacie. C’est au collègue de madame T.L.N, le pharmacien J.D., qu’ils parlent et l’informent qu’une erreur de prescription a été commise». [28]
«Madame T.L.N est informée qu’une erreur a été faite, mais elle n’en connaît pas la nature. Aucune note au dossier de la patiente n’est apportée afin d’indiquer qu’un problème est survenu. Au surplus, madame T.L.N ne cherche pas à connaître ce qui s’est produit et ne fait aucune démarche en ce sens». [29]
«Ce n’est que le 12 décembre 2016, lorsque la Syndique adjointe communique avec elle, qu’elle apprend ce qui s’est produit». [30]

Décision :
«Dès le début de l’audience, madame T.L.N enregistre un plaidoyer de culpabilité». [5]
«Les parties s’entendent pour présenter des recommandations conjointes sur sanction, à savoir l’imposition d’une amende de 4 000 $ ainsi que le paiement de tous les déboursés». [7]
«Comme professionnel de la santé, le pharmacien doit apporter une attention maximale dans l’exécution de chacune de ses tâches. Il est tenu d’exécuter l’ordonnance avec vigilance du début à la fin du processus. Cette vigilance doit d’ailleurs être encore plus grande lorsqu’il s’agit d’exécuter une ordonnance pour une personne âgée comme la patiente, polymédicamentée de surcroit». [38]
«Une analyse méticuleuse permet de prendre en considération le profil du patient, de même que la nature du médicament qui requiert une vigilance accrue». [39]
«En l’espèce, madame T.L.N omet de vérifier si les médicaments préparés par son employée correspondent à la prescription». [40]
«L’infraction commise par madame T.L.N  se situe au coeur même de l’exercice de la profession de pharmacien». [42]
«Au surplus, la nature du médicament est un facteur qui doit être considéré dans la détermination de la sanction». [43]
«La warfarine est un médicament à index thérapeutique étroit à haut risque qui nécessite des ajustements réguliers. Il requiert donc de la part de madame T.L.N une vigilance accrue. Madame  T.L.N ne peut l’ignorer et les membres de l’Ordre non plus». [44]
«Compte tenu notamment du médicament en cause, l’infraction commise constitue donc une négligence grave». [45]
«La faute reprochée ne peut être envisagée qu’en relation avec ses conséquences éventuelles, qu’elles se soient réalisées ou non». [46]
«En l’espèce, la patiente subit des conséquences extrêmement sérieuses. Elle doit en effet être hospitalisée pendant environ trois semaines, du 8 au 27 octobre 2016 et demeure en convalescence une semaine de plus». [48]
«L’omission de madame T.L.N aurait pu avoir des effets encore bien plus tragiques, mais ils ne sont heureusement pas survenus». [49]
«En conséquence, les gestes reprochés à madame T.L.N sont très graves et sa conduite porte ombrage à l’ensemble de la profession. Une sanction sévère s’impose». [50]
«Afin de déterminer la sanction la plus appropriée, le Conseil prend en considération le fait que madame T.L.N reconnaît sa culpabilité». [51]
«Aussi, madame T.L.N a une dizaine d’années d’expérience au moment des faits reprochés. En effet, elle est inscrite au Tableau de l’Ordre depuis 2005». [52]
«Elle n’a aucun antécédent disciplinaire, elle a collaboré à l’enquête, et enfin, elle désire continuer de pratiquer sa profession». [53]
«Madame T.L.N démontre en outre des regrets. Elle affirme qu’elle aurait souhaité communiquer avec la patiente pour s’excuser, mais en raison de la tenue de l’enquête disciplinaire, il lui était interdit de la contacter». [54]
«Il s’agit de facteurs atténuants que le Conseil considère dans la détermination de la sanction». [55]
«Madame T.L.N  ne peut s’expliquer encore aujourd’hui pourquoi l’erreur a été commise, ni la chaîne des événements qui y ont mené». [56]
«Une des hypothèses qu’elle avance pour comprendre son geste est qu’elle ne savait pas qu’une autre patiente de la pharmacie prenait du Taro-Warfarin 5 mg. Il est donc possible qu’elle ait présumé qu’il n’y avait que des comprimés de 2 mg à la pharmacie. Voilà une explication possible que madame T.L.N donne à la Syndique adjointe». [57]
«Madame T.L.N affirme avoir mis en place des mesures pour éviter que la même situation survienne à nouveau, depuis les événements ayant mené au dépôt de la plainte». [58]
«Elle explique que les molécules les plus problématiques sont mieux classées». [59]
«Elle affirme qu’elle verse dans sa main les médicaments qui sont préparés afin de s’assurer qu’il s’agit bien de ceux qui sont prescrits. Cette méthode est, aux yeux du Conseil, pour le moins questionnable». [60]
«Aussi, madame T.L.N explique qu’elle demande maintenant à son employée d’encercler le numéro d’identification du médicament sur l’étiquette du pot remis au patient ainsi que sur le reçu afin de s’assurer de la concordance entre les deux et le contenu. La couleur du médicament peut aussi être inscrite sur l’étiquette». [61]
«Toutefois, madame T.L.N déclare que ces mesures sont plus ou moins efficaces, car elle considère que son employée est peu fiable». [62]
«Interrogée par le Conseil à ce sujet, madame T.L.N indique qu’elle ne congédie pas son employée en raison de ses difficultés à recruter une personne qualifiée. Toutefois, ses explications ne convainquent pas le Conseil de la quantité et de la qualité des démarches qu’elle effectue pour trouver un autre employé plus fiable et compétent. Le Conseil lui suggère de faire appel à une main-d’oeuvre qualifiée qui pourrait lui être référée par les écoles spécialisées, de façon à réduire encore davantage les risques pour le futur». [63]
«En raison des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois atténuants et aggravants, le Conseil n’est pas en présence de recommandations déraisonnables, contraires à l’intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice». [78]

Décision Coupable – 1/1 chefs – Amende  4000$
Éléments d’intérêt pour le pharmacien/la pharmacie La warfarine est une source fréquente d’erreur en pharmacie, notamment en raison des nombreuses teneurs disponibles et des fréquents changements de posologie. Bien qu’il doive apporter une attention maximale dans l’exécution de chacune de ses tâches, le pharmacien doit être encore plus vigilant lorsqu’il s’agit d’exécuter l’ordonnance pour une personne âgée et/ou d’un médicament à index thérapeutique étroit à haut risque.
Mots-clés Négligence, Mauvaise teneur, Omission vérification, Warfarine, Personne âgée, INR supra-thérapeutique, Hospitalisation
Jurisprudence Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. L, 2016 CanLII 91698 (QC CDOPQ)
Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. G, 2016 CanLII 91696 (QC CDOPQ)
Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. M, 2016 CanLII 93187 (QC CDOPQ)
Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. C, 2016 CanLII 21138 (QC CDOPQ)
Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. J, 2016 CanLII 13424 (QC CDOPQ)
Référence http://canlii.ca/t/h4mvk
(https://www.canlii.org/fr/qc/qccdopq/doc/2017/2017canlii42276/2017canlii42276.pdf)
Auteur Jordan Pelletier-Sarrazin
Révision Jean-François Bussières
Révision et mise en forme Jean-François Bussières

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